Biennale de « Photographie et Architecture », #2
L’installation « Battre la ville » de Michel Couturier, coproduction franco-belge du Bureau d’Art et de Recherche à Roubaix, de Monac.1 à Lille et du B.P.S.22 à Charleroi, avec le soutien du CRRAV, de la Province de Hainaut et de la Communauté française de Belgique, créée en 2005 au Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, est présentée dans une nouvelle version dans le cadre de la manifestation, CORPS DE VILLE à La Cambre Architecture, Bruxelles du 14 mars 2008 au 17 mai 2008.
Vingt photographes, dix belges et dix français, ont été sélectionnés pour évoquer la réalité polyphonique de la ville et pour témoigner des « manières » différentes qui permettent d’incarner ces voies (ou voix) multiples.
CORPS DE VILLE
Anemie Augustijns, Brigitte Bauer, Jean Christophe Béchet, Serge Botty, Marie Canella, Christophe Caudroy, Michel Couturier, Malik Choukrane, Delphine Deguislage, Floriane De Lassée, Nathalie Desserme, Anne-Marie Filaire, Franck Juery, AUrélie Husson, Sarah Michielsen, Agnès Orban, Taszio, Ambroise Tézenas, Patrick Van Roy, Marc Wendelski, Annabel Werbrouck.
20 ANS/10 POSITIONS
Hélène Agniel, Vincent Brossard, Pierre Chancel, Sonia Foulc, Maud Gilhodez, Sandrine Gomez, Audrey guiraud, Eve Maillot, Julien Pelamourgues, jean-Marc Plançon, Julia Scalbert.
Espace Architecture – La Cambre
19bis Place Flagey – 1050 Bruxelles
TEL : 02/640.96.96 – FAX : 02/647.46.55
GSM : 0032/479/71.01.69
E.MAIL : m.mawet@matador.be
Heure d’ouverture : du mardi au dimanche de 11h00 à 18h00
Avec le soutien de la Communauté Française de BelGique et de la commune d’Ixelles
En collaboration avec la Médiathèque de la Communauté Française de Belgique, l’association « les 20 ans de Nemausus », l’atelier de recherche et création de l’ecole Supérieure des Beaux Arts de la ville de Nîmes, les asbl « BNA/BBOT » et « 2 temps 3 mouvements »
http://www.michelcouturier.com
LIMINAIRE
La biennale « Photographie et Architecture » est organisée dans le cadre des missions culturelles que se donne l’ISACF La Cambre. Ce cadre est important.
Lorsqu’une école d’architecture prend l’initiative d’organiser une exposition de photographies, c’est à l’exercice du regard qu’elle invite l’ensemble de sa collectivité et des visiteurs.
En effet, notre mission de pédagogues consiste prioritairement à faire émerger la conscience suivant laquelle faire de l’architecture, c’est avant tout lire et comprendre une situation spécifique avant de l’interpréter et de la transformer. Lire, comprendre et interpréter c’est-à-dire « se représenter le monde ».
Transformer c’est-à-dire mettre en forme des propositions de mondes où se disposeront des existences, comme se plait à le dire Nicolas Hannequin. Le célèbre architecte américain Louis Kahn parle de l’architecture comme d’ « un monde dans le monde ». En ce sens, la photographie est architecture puisqu’elle constitue un espace habité, construit par le sens d’un regard informé. Ces merveilleuses disciplines ont cela en commun qu’elles ne peuvent être que des propositions généreuses de réalités singulières, qu’elles s’éprouvent plus qu’elles ne cherchent à prouver, qu’elles constituent des traces de cette fabuleuse aventure de l’esprit humain.
Nous voudrions que l’une des caractéristiques de notre biennale soit essentiellement d’évoquer l’architecture au-delà de sa valeur formelle et de sa dimension esthétique afin d’investir ses épaisseurs humanisées, invisibles, codées, cartographiées, ses valeurs d’échange, non marchandes, les sens qu’elle contribue à établir à travers ses signes, dans sa réalité la plus anonyme, la plus quotidienne, la plus éloignée de son statut d’objet. Cette « sensibilité » orientera certainement nos choix.
THÉMATIQUE
La manière d’associer « Corps » et « Ville » pour fonder la thématique de cette deuxième édition de la biennale de « Photographie et Architecture » est volontairement énigmatique.
Nous n’avons pas écrit :
« le corps de la ville » ,
« le corps dans la ville »,
« le corps par la ville »,
« le corps et la ville »,…..
Ni inversement.
Il n’est pas non plus spécifié si corps est au pluriel ou au singulier.
Notre pratique pédagogique de la ville instruit l’intuition et nourrit l’hypothèse qu’il est vain de chercher une définition totalisante de la ville et de ce qui la constitue, voire qu’il y aurait même danger de le faire. « Corps de Ville » convoque donc à travers l’ambiguïté de ce mariage sémantique les innombrables perceptions qui permettent d’appréhender la ville et d’accéder à sa complexité, tant structurelle que représentative. Se défendant de toute volonté d’exhaustivité, « Corps de Ville » est en quête d’évocations informées et en appelle aux voix (voies) multiples pour que, complémentaires, elles activent tant que faire se peut la réalité polyphonique de la ville. Evoquons quelques pistes.
Par tradition, nous sommes tentés de parler spontanément du corps physique de la ville, de ses typologies, de sa morphologie, de ses strates et de ses évolutions multiples, de ses métamorphoses, de ce qui la structure et l’organise en s’inscrivant « dans la pierre », de parler de son architecture et de son urbanisme, de ses éléments fondateurs. Nous invoquons aussi la ville comme corps vivant, comme espace d’activités et d’échanges multiples traversé par des flux divers : la ville comme énergie.
Et, pour assurer à sa lecture une accréditation académique complète, nous invitons les différents corps scientifiques institués, exacts ou non, à en compléter l’inventaire et à en multiplier les colorations : approche sociologique, anthropologique, statistique, économique etc.
Ces évocations corporelles constituent le volet « objectif » qui rassure par ses efforts de clarification tout en inquiétant par les dangers de l’usage des catégories, du statut conféré aux données et de leur instrumentalisation possible. Il n’est pas aisé de synthétiser la ville car il est illusoire de croire qu’en assemblant les fragments de son analyse, il sera possible d’en recomposer la totalité. Cet aveu – qui n’est pas d’impuissance – nous renvoie alors à d’autres formes d’approche par lesquelles le côté fragmentaire s’affirme pour ce qu’il est, libéré de tout recours à une légitimation autoritaire.
Si par exemple la compréhension de la ville passait par une perception physiologique impliquant directement le corps de celui qui l’expérimente ? La ville pourrait alors se lire et s’écrire comme une géographie sensorielle, faisant appel à l’ouïe, à l’odorat, au toucher, au goût pour ouvrir de nouveaux territoires de compréhension.
Si la psychologie ou l’intuition proposaient d’autres cartographies pour une géographie mentale de la ville, appelant l’affectif à la rescousse pour proposer des clés personnalisables afin de dessiner la ville ? Un autre Corps de la ville pourrait ainsi être dessiné suivant le puzzle d’une mémoire et/ou toute autre forme de réception sélective.
Si on envisageait la ville sous l’angle de ses pratiques ? Si le quotidien, les habitudes ou au contraire les événements ou les voyages interlopes recomposaient la ville par les axes de la routine ou de la déviance, des itinéraires formatés ou des dérives, des lieux utiles ou inutiles, des gestes répétés à l’infini ou exceptionnels, localisés ou en mouvement ? On convoquerait alors la ville et la multiplicité de ses temporalités, de ses structurations, de ses rythmes, de ses échelles, soit la ville et sa capacité à « faire de la ville », en se mettant à la disposition des divers usages et identités.
On pourrait par ailleurs se demander ce que devient, dans ce déploiement des représentations possibles, la définition de ses éléments traditionnels ou de ses qualités reconnues – la place, la rue, le monument, le centre, la convivialité, la proximité, la densité, l’anonymat etc.
Ou encore : si la ville était le fruit de sa représentation symbolique, avec ses hiérarchies construites ou inconscientes ? Parle-t-on tous de la même ville lorsque l’on parle de Bruxelles selon que nous sommes ministre fédéral, bourgmestre, promoteur, touriste, restaurateur de la petite rue des bouchers ou sans emploi dans un quartier défavorisé ? Qu’en est-il de la ville lorsque s’y pose un regard militant, politique, engagé ?
Finalement, si la ville, c’était tout simplement les gens, l’humain, l’autre, les co-présences et leurs gestions, collectives ou individuelles, publiques ou privées. L’autre présent ou non par son corps dans l’espace de la ville. Quels en seraient les tableaux, quels en seraient les motifs, quelles en seraient les séquences, que deviendraient ses « catégories » ?
Nous sommes convaincus de la réalité polyphonique de la ville. Nous savons également que ces voies multiples pour la comprendre influencent les « manières » de la représenter par la photographie. Nous ne défendons pas d’école ou de style, ni ne nous accrochons à la notion consacrée de style. Tout au contraire, nous voulons cette biennale de « Photographie et Architecture » caractérisée par l’ouverture et la diversité.
« Corps de Ville », cette énigmatique thématique, sera garante de cette ouverture et de cette diversité pour l’édition 2008.
Marc Mawet, curateur de la biennale.