Une œuvre à l’épreuve du feu.
Dans son travail qui mêle dessins, installations et films d’animation, Jérôme Progin utilise la calcination, le feu et les matériaux qu’on peut lui associer : le bois, le verre, la cire, le papier. Ce qu’on y voit est un noir fait de nuances, polychrome, loin des diaboliques ténèbres. C’est en tentant de faire disparaître un jour de 2001 une trace de suie sur un support en tissus qu’il s’est rendu compte de la prégnance de cette matière. Aérienne et difficilement domptable, elle permet de multiples utilisations et une alternative à la forme figée.
Son univers prend naissance dans des souvenirs enfouis, une histoire perdue, opaque et à reconquérir qui tente de s’inscrire dans un présent incertain et indéterminé. La technique du stop motion permet aussi d’inscrire le propos dans une temporalité et d’obtenir cette alternance recherchée dont il tente de retranscrire l’ambiguité.
Le travail de Jérôme Progin ne se construit pas sur des certitudes et des vérités. Les procédés de réalisations des images entrent en résonance avec la construction même du souvenir, qui trahissant son auteur fini souvent par être au fil du temps le souvenir des images que l’on conserve. L’alternance des techniques de dessins, des découpes, des réserves et des brûlures crée une imprécision et une indétermination du motif. La suie se dépose sur le support en une matière insaisissable, indéterminée, qui, comme la mémoire se dérobe. Cela se traduit dans ses œuvres par une utilisation elliptique et allusive du sujet permettant au spectateur de s’y plonger intimement.
« De toutes les manifestations humaines, je voue une étrange fascination pour le doute et l’oubli. Ces deux émotions nous submergent et nous dépassent quand on s’accroche désespérément à l’instant et à la vie. L’oubli est une notion terrifiante car elle est spécifiquement morbide et inacceptable ».
Les objets et les espaces choisis sont familiers et deviennent des surfaces de projection ; table, outils, chaises, maison, forêt… On peut y reconnaître des personnages grimés, affublés de combinaisons rappelant les panoplies d’enfant ou d’hypothétique héros ayant perdus leur identité. Le masque est un élément symbolique récurrent, parfois associé à l’image du lapin.
« Je devais avoir 8 ou 10 ans lorsque j’ai vu tous les lapins de la ferme familiale dispersés dans la cour, les portes de leur cages ayant été délibérément laissées ouvertes. Certains s’étaient réfugiés dans la grange. J’ai su plus tard que cette même grange avait été le lieu d’un drame sanglant durant la seconde guerre et qu’un grand nombre d’autres lapins y avaient été sacrifiés ».
Troubles de la mémoire, pertes de repère, failles, doutes sont autant de propos qui entrent en résonance avec un présent empli de chaos et d’incertitudes.
Vernissage le 13 novembre 2010 à partir de 14H30.